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Syrie/EAU : Un dissident émirati risquerait d'être torturé en cas de renvoi vers son pays

Les autorités syriennes devraient rejeter toute demande d'extradition formulée par les Émirats arabes unis au sujet de Jasem al-Shamsi

Jasem al-Shamsi. © Privé

(Beyrouth) – L’arrestation en Syrie d'un dissident émirati soulève de sérieuses inquiétudes quant au risque que les Émirats arabes unis (EAU) fassent pression sur les autorités syriennes pour qu'elles l'extradent vers ce pays, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch. 

Une source bien informée a déclaré à Human Rights Watch que les autorités syriennes ont arrêté Jasem al-Shamsi, 55 ans, à un poste de contrôle dans les environs de Damas le 6 novembre, et continuaient de le détenir sans divulguer le fondement juridique de cette mesure. Ces dernières années, les Émirats arabes unis ont fait pression sur le Liban et la Jordanie pour qu'ils renvoient des dissidents vers ce pays. En cas d’expulsion vers les EAU, Jasem al-Shamsi serait exposé a un risque sérieux de disparition forcée, de détention arbitraire, de procès inéquitable et de torture.

« Human Rights Watch craint que les autorités émiraties n’exercent à nouveau des pressions sur un autre pays de la région pour qu'il renvoie de force un dissident condamné à l'issue d'un simulacre de procès », a déclaré Joey Shea, chercheuse sur les Émirats arabes unis à Human Rights Watch. « Les autorités syriennes devraient rejeter toute demande concernant une extradition de Jasem al-Shamsi vers les Émirats arabes unis, où il serait exposé au risque d’une disparition forcée et d’une détention arbitraire prolongée. » 

En 2013, les autorités émiraties ont condamné Jasem al-Shamsi par contumace à 10 ans de prison dans le cadre du tristement célèbre procès collectif inéquitable qui visait 94 dissidents politiques et défenseurs des droits humains (procès surnommé « UAE 94 »). Il a été condamné à la prison à vie par contumace pour son activisme pacifique, lors d'un deuxième procès collectif inéquitable tenu en juillet 2024. 

En mars 2025, les autorités syriennes du département de l'Immigration et des passeports ont informé Jasem al-Shamsi qu'Interpol avait émis un mandat d'arrêt à son encontre ; Human Rights Watch n'a pas pu confirmer de manière indépendante l'existence d'un tel mandat d'arrêt. Certains mandats d'arrêt émis par le Conseil des ministres de l'Intérieur arabes, un organisme régional chargé des questions de sécurité, sont souvent qualifiés à tort de mandats d'arrêt arabes « Interpol ». Ces demandes ont conduit à l'arrestation et à l'extradition illégale de dissidents politiques et de défenseurs des droits humains dans des pays membres de la Ligue arabe, y compris dans le cas deux dissidents qui ont immédiatement fait l'objet de disparitions forcées et de détention arbitraire à leur arrivée aux Émirats arabes unis.

Jasem al-Shamsi circulait en voiture avec sa femme dans les environs de Damas lorsque des membres des forces de sécurité syriennes leur ont ordonné de s’arrêter, et leur ont demandé leurs papiers d'identité. Les forces de sécurité ont emmené Jasem al-Shamsi au centre de sécurité d'al-Fayha, a déclaré la source. Les agents de sécurité ont fouillé la voiture familiale sans présenter de mandat et n'ont pas répondu aux questions concernant l'arrestation. Les autorités syriennes n'ont pas informé Jasem al-Shamsi ni sa femme du motif de l'arrestation.

Le 8 novembre, l'épouse d'al-Shamsi est retournée au centre de sécurité d'al-Fayha pour s'enquérir du sort de son mari, mais les autorités ont nié avoir connaissance de sa détention et de l'endroit où il se trouvait, a déclaré la source. L'épouse d'al-Shamsi s'est rendue à l'administration pénitentiaire de Damas le 12 novembre, où les autorités ont confirmé qu'il était en détention mais ont nié avoir connaissance de son lieu de détention exact, a déclaré la source. Jasem al-Shamsi a pu contacter sa famille le 27 novembre, lorsqu'il a confirmé qu'il était en détention et a déclaré qu'il était bien traité, a déclaré la source.

Les autorités émiraties ont exercé à plusieurs reprises des pressions sur les pays membres du Conseil des ministres de l'Intérieur arabes pour qu'ils renvoient de force des dissidents aux Émirats arabes unis, où ils ont été victimes de disparitions forcées, de détentions arbitraires, de mauvais traitements et de tortures. 

En mai 2023, les autorités jordaniennes ont arrêté et extradé de force vers les Émirats arabes unis un citoyen ayant la double nationalité émiratie et turque, Khalaf Abdulrahman al-Romaithi. Les autorités émiraties l’ont fait disparaître de force dès son arrivée aux Émirats arabes unis, et l'ont condamné à la prison à vie en 2024. Al-Romaithi et al-Shamsi ont été jugés ensemble par contumace dans le cadre du tristement célèbre procès collectif inéquitable « UAE94 » en 2013.

En janvier 2025, les autorités libanaises ont expulsé un poète égypto-turc, Abdulrahman Youssef al-Qardawi, vers les Émirats arabes unis à la demande des autorités émiraties, qui invoquaient des accusations liées à son activité pacifique sur les réseaux sociaux. Les autorités libanaises ont extradé al-Qardawi alors qu'il n'était pas citoyen émirati et qu'il ne se trouvait pas aux Émirats arabes unis au moment où les infractions présumées auraient été commises. 

En décembre 2023, le gouvernement émirati a mené son deuxième plus grand procès collectif contre 84 activistes, dissidents et défenseurs des droits humains, dont al-Shamsi et al-Romaithi, en guise de représailles pour avoir formé une organisation indépendante de plaidoyer en 2010. Plusieurs personnes avaient déjà purgé des peines de prison à la suite d’un précédent procès inique et arbitraire tenu en 2013, pour des motifs similaires.

Le 19 novembre 2025, Ali al-Khaja, l'un des accusés dans les deux procès, est décédé lors de sa détention dans la tristement célèbre prison d'al-Razeen aux Émirats arabes unis.

La Syrie est tenue de respecter le principe de non-refoulement qui est inscrit dans le droit international ; ce principe interdit aux pays de renvoyer une personne vers un autre pays où elle serait exposée a un risque réel de persécution, de torture ou d'autres graves abus, ou où sa vie serait menacée. Ce principe est codifié dans la Convention contre la torture, à laquelle la Syrie est un État partie, et dans le droit international coutumier.

« Le gouvernement syrien devrait agir de manière juste et éviter de se rendre complice des violations des droits humains commises par les Émirats arabes unis, ce qui serait le cas s'il renvoyait de force Jasem al-Shamsi vers ce pays », a conclu Joey Shea.

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